2016 - KRASNO'S
Nous tenions à remercier chaleureusement toute l'équipe de l'Espace Aliés Guinard , de nous avoir proposé cette exposition que l'on pourrait qualifier d'intergénérationnelle.
Leur enthousiasme et leur détermination nous ont convaincus, et réunir ainsi nos talents dans le cadre d'une exposition commune, est une façon de nous faire rapprocher un peu plus de notre père, Rodolfo Krasno, disparu depuis bien longtemps. La situation reste délicate pour nous, ses enfants, car la question est surtout de savoir comment nous positionner dans un contexte aussi particulier qu'inattendu, où nous pourrions sans difficulté nous habiller de l'image de notre père. Là n'est pas notre but. La réponse est tout simplement de lui rendre hommage, et aussi d'apporter un peu de lumière à votre curiosité.
Je vous imagine déjà adopter le même réflexe, que celui du visiteur face au nouveau-né, lui recherchant toutes les ressemblances impossibles et inimaginables avec ses père et mère. Nos styles à tous les trois, enfants de Krasno, bien qu'extrêmement différents, ont bien subi d'une manière ou d'une autre une quelconque influence : celle de l'environnement familial, à laquelle nous ne pouvions échapper complètement, mais aussi celle qui provient de notre chemin de vie personnelle qui se déroule sous nos yeux, forgé par cette sensibilité qui nous est propre.
Mais qu'a pu nous apporter notre père sur le plan de l'Art ? Bien qu'il ait été professeur aux Beaux Arts de Buenos Aires, il ne nous a jamais enseigné le dessin ou la peinture. Ni enseignement, ni
académisme. Il a fait mieux. Il nous a appris à regarder, et par là même à affiner notre sensibilité. Il a fait mieux encore... Il nous a intégrés dans son Œuvre . Dans un premier temps, en nous invitant un jour alors que nous étions enfants ou adolescents, sans exploitation aucune ni enseignement, à travailler ensemble la matière, expérience dont le résultat final lui inspirera une de ses Œuvres . Plus tard, en pratiquant le moulage sur chacun d'entre-nous. Rappelons que notre mère, Milda, restée dans
l'ombre et qui l'a toujours soutenu, l'a également accompagné dans la réalisation de son Œuvre blanche.
Et surtout, Krasno nous a inculqué la vraie notion de liberté de l'artiste, avec ses engagements, en nous faisant partager une conception idéaliste de l'existence, avec ses passions et ses rêves. Il nous a ouvert cette porte qui mène à tous les chemins de l'imaginaire, là où les contraintes se transforment en riches
expériences, là où chaque découverte fait reculer les limites de l'inaccessible. Tout cela sans tabou, ni règles véritables si ce n'est que chacun doit pouvoir imaginer celles qui pourraient lui convenir et trouver librement la façon de les établir soi-même.
Être l'enfant d'un artiste assez connu n'est pas chose facile. Chacun doit trouver sa place. Et si certains d'entre-nous ont choisi un pseudonyme, c'est sur les conseils de notre père, car là est peut-être la meilleure façon de se démarquer lorsque des talents s'entrecroisent. Entre notre père Rodolfo qui n'a pris que les deux premières syllabes, Guillermo qui a conservé le nom en entier,
Inés qui a choisi Corral, le nom de jeune fille de notre mère, il ne me restait plus qu'a trouver un pseudonyme, de mon côté.
De la représentation à l'abstraction, de la couleur à son absence, de la peinture à la sculpture, en passant par le dessin, de notre créativité sont nés quatre techniques personnelles, quatre univers différents issus non pas de la transmission d'un savoir, mais d'une énergie vitale commune.
Laura Krasnopolsky dite Laura Montiel